Epuration économique ou réserve naturelle

Les victimes des dégâts miniers s'interrogent sur l'avenir de leur région : après le bassin sud sinistré par affaissements et son ennoyage, c'est le tour du bassin nord de la Lorraine.

Devant près de 180 invités, potentielles victimes, a eu lieu un débat à l'appel de la Fédération nationale d'associations de défense de victimes de dégâts miniers (F.N.A.D.V.D.M.) d'où transpiraient agacement, irritation et même un courroux qui est allé crescendo à la ;salle polyvalente de Bure le 7 mars dernier. C'est d'abord un bilan de la situation : retards d'indemnisations indemnisations de misère, expropriations au rabais, familles endettées, suicide, stress, insomnies déprime, hospitalisations, lenteur à dessein des administrations dans la transmission des rapports où l'État est juge et partie (les sinistrés ressentent cela comme un affront : tous savent très bien que les héritiers n'auront une fois les propriétaires actuels disparus, plus que leurs yeux pour pleurer, n'ayant pas de droits à réclamer), dégradation de biens publics, occupations de locaux, etc...

Un ancien chef-porion, 33 ans au fond, explique avec force projections et maquette à l'appui comment était exploité le sous-sol lorrain. Un élu local dit avoir assisté à "une opération de séduction des HBL au Conseil général en février dernier : 'Nous maîtrisons tout .. " ce qui fait sourire. Pour d'autres "la vraie catastrophe c'est le comportement des exploitants miniers ( ... ) qui se dégagent de leurs responsabilités" Les réunions privées, hors la présence d'une représentation des associations des victimes, sont considérées comme désobligeantes et le souci premier de ces gens, disent les sinistrés, ce n'est pas les victimes, mais des enjeux financiers qui seraient colossaux. En indemnisations, certainement! Toutes les parties prenantes, État institution judiciaire, DRIRE, et autres Gêodéris en prennent pour leur grade. La F.N.A.D.V.D.M. ne les ménage guère en raison de leur inertie, de leur suffisance, de leur connivence, mais surtout de la méconnaissance du sous-sol lorrain... C'est ce qui semble faire le plus de mal au c?ur des sinistrés. Cette façon "de passer outre" l'expérience, la connaissance de ceux qui ont vécu au fond de la mine, qui savent comment les tailles ont été pratiquées et considèrent à juste titre pouvoir apporter une solution aux risques éventuels d'affaissements et une alternative à l'ennoyage qu'ils désapprouvent totalement en raison de la constitution marneuse, donc friable au contact de l'eau par exemple dans le secteur nord. L'expérience de 20, 30 pour quelques uns 40 années au fond s'oppose à "la DRIRE couche-culotte". Un ancien mineur souligne qu'à l'époque où les mines cessent toutes leurs activités les jeunes ingénieurs d'aujourd'hui étaient encore en couches-culottes et leur conteste le fait de pouvoir discuter d'égal à égal: "L'expert judiciaire qui n'a jamais mis les pieds au fond de la mine, comment peut-il appréhender les dommages et les risques ? (.. .) Quelle consolidation ? Quel comblement ? Quel prix ?" Au sujet de ce dernier, les échos dans la salle laissent clairement entendre que le coût de remblaiement et de comblement des 5 millions de m3 de galeries à obstruer s'élèverait à 100 euros le m3 ... " Mais il est possible ", remarque le président de la F.N.A.D.V.D.M Alain Cittadini, "de ramener le coût à 4 euros en utilisant ce qui a été extrait des mines, les déchets, des gravats de béton, etc".

Les nombreuses années consacrées à se défendre pour préserver son propre patrimoine exaspèrent quantité d'auditeurs. Le ras-le-bol est flagrant: "Nous regrouper sera notre force. Pour avoir un poids, les élus sont appelés à nous soutenir. Voilà déjà un an et demi sur les deux ans en ce qui concerne l'ennoyage dans le bassin sud. C'est un contre-la montre dangereux face auquel nous risquons de perdre, si nous n'y prenons garde." C'est ainsi que la F.N.A.D.V.D.M a décidé de créer au sein de l'association la "commission technique", composée entre autres d'anciens mineurs, contremaître, géomètre, porion, chef porion, chef d'exploitation et ingénieur pour équilibrer les rencontres et mieux se défendre. D'ailleurs, le premier rendez-vous a été fixé en préfecture de Metz le 14 mars. Le dernier mot revient à la F.N.A.D,V.D.M : "Stop à l'État : vous êtes hors-la-loi ", relève Alain Cittadini face à la salle.

Pierre Rebondy



Article écrit par CLCV le Jeudi 1 janvier 1970 à 01h00

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