Carling: Article du Monde

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Des incidents à répétition sur le site Total de Carling
LE MONDE 17.07.09


Au lendemain de l’explosion qui a causé la mort de deux hommes âgés de 22 et 29 ans et blessé six autres personnes – aujourd’hui hors de danger –, mercredi 15 juillet, sur le site pétrochimique de Total à Carling (Moselle), syndicats et associations de protection de l’environnement dénoncent la "négligence" de l’entreprise en matière de sécurité et le manque de prévention des risques dans les usines où sont manipulées des matières dangereuses pour les hommes et l’environnement.

L’explosion a eu lieu lors du redémarrage d’un vapocraqueur, équipement servant à fabriquer des éléments de base des matières plastiques, qui avait été arrêté après des orages. "L'accident s’est produit au cours d’une tentative de redémarrage manuel d’un surchauffeur non équipé d’un dispositif de redémarrage automatique", déplore la Fédération nationale des industries chimiques CGT, qui affirme que des équipements plus perfectionnés auraient permis d’éviter l’accident. Le syndicat dénonce en outre "l’allongement de la liste des morts" chez Total. Deux personnes sont décédés dans des usines du groupe depuis le début de l’année.

Le site pétrochimique de Carling est bien connu des écologistes locaux. "Leur équipement manuel est vétuste, relève Michel Kaspar, président de l’Association de défense et de lutte contre la pollution (Adelp). Vu le nombre de problèmes dans cette usine, on se dit que des anges gardiens veillent en permanence à son bon fonctionnement. Mercredi, ils n’étaient pas là, au grand malheur des victimes."

Les dégagements de produits toxiques dans l’environnement ne sont pas rares: 6 tonnes de styrène en juin2005, 4 tonnes de benzène en janvier 2007, rejets d’hydrocarbures en février 2007 et novembre 2008… Le 1er septembre, Total est convoqué devant le tribunal de police local pour infraction à la législation sur les installations classées sur cette plate-forme.

"L’événement de Carling est symptomatique, on y retrouve tous les grands maux que nous connaissons dans le domaine des risques industriels, affirme Marc Sénant, de France Nature Environnement (FNE). Un matériel ancien, une absence de volonté d’investir dans la sécurité, et l’importance du facteur humain. Un jeune homme peu expérimenté a été envoyé pour rallumer le surchauffeur." L’une des victimes est un étudiant de l’Ecole nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM) qui suivait une formation en alternance.

INSUFFISANCE D’ENTRETIEN

Les écologistes dénoncent aussi le "laxisme" des contrôles effectués par l’inspection des installations classées, dont les 1200 agents sont chargés de surveiller 51000 usines. "Cela fait en moyenne une visite tous les dix ans, la tâche est colossale, les agents sont dépassés", affirme Arnaud Gossement, porte-parole de FNE.

Cependant, le site de Carling, classé Seveso 2 (risque élevé), a été régulièrement inspecté. "Une dizaine de contrôles ont lieu dans l’usine chaque année, ils n’ont pas fait apparaître d’anomalie majeure", relève Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie.

Selon Total, 20 millions d’euros ont été investis dans les deux vapocraqueurs du site depuis 2002. L’équipement endommagé dans l’accident avait fait l’objet d’un arrêt de maintenance en 2007. L’entreprise refuse d’opérer un quelconque lien entre les incidents à répétition ayant entraîné une pollution et l’accident de mercredi. "Il ne faut pas tout mélanger, il s’agit d’un incident dans le process de fabrication, qui n’a pas eu de conséquences à l’extérieur du site, affirme la porte-parole de l’usine de Carling. C’est le type d’accident que nous redoutons le plus et faisons tout pour éviter." Une information judiciaire sera ouverte la semaine prochaine.

Dans une étude parue en 2008, le ministère de l’écologie relevait que, malgré les progrès techniques, l’amélioration des méthodes d’analyse des risques et l’introduction de systèmes formalisés de gestion de la sécurité, les courbes des accidents mortels et des blessés dans les installations classées n’ont pas baissé depuis 1992. Les causes principales, selon la même source, sont l’insuffisance d’entretien des installations, la sous-estimation des risques liés aux opérations à réaliser, une mise en sécurité des installations mal préparée et des équipements insuffisants.


Gaëlle Dupont
Article paru dans l'édition du 18.07.09



Article écrit par Bernard le Mardi 21 juillet 2009 à 14h49

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