ROSBRUCK. - La
fin de l'exploitation charbonnière n'a pas mis fin aux tremblements de terre qui
secouent depuis longtemps le bassin houiller mosellan. Au contraire. L'activité
sismique semble redoubler depuis la fin du pompage des eaux d'exhaure, en juin
dernier. Le 4 juillet, une forte secousse a endommagé la piscine de Forbach. Les
13 et 19 juillet des secousses ont été ressenties à plusieurs kilomètres à la
ronde. Plus récemment, les 16 et 17 septembre, le Réseau national de
surveillance sismique (Renass) a enregistré des secousses d'une amplitude de 2 à
2,5 sur l'échelle de Richter.
« A
chaque fois, nos maisons sont endommagées », déplore Mireille Muller,
commerçante à Rosbruck, un village qui depuis les années 80 s'est affaissé de 14
mètres ! « Les indemnisations sont modestes et notre patrimoine ne
vaut plus rien ».
Comme la
plupart des sinistrés, Francis Prymerski se heurte au problème de
l'indemnisation. Cet ancien salarié des HBL a acheté une maison en 1989, rue de
la Gare à Betting, sur « la faille de Béning » répertoriée par les
géologues au-dessus de laquelle passe la ligne de chemin de fer Paris-Francfort.
Et bientôt le TGV sur la voie normale.
Absurdité juridique
L'ennui
c'est que l'acte notarié précise que l'immeuble est grevé d'une servitude
d'exonération de responsabilité pour dégâts miniers au profit des HBL. Autrement
dit les acquéreurs s'engagent à renoncer à toute réclamation.
En 1997,
une première secousse ébranle la maison qui devra être consolidée par des vérins
hydrauliques. En 1999, le propriétaire doit abandonner l'habitation devenue
dangereuse. Le sol continue de trembler. « Le 26 août, en rentrant de
vacances, j'ai constaté que l'arrière de la maison s'était effondré. Le maire a
pris un arrêté de péril. Je dois détruire l'immeuble à mes frais. C'est
inacceptable ».
La
situation juridique est absurde. La loi du 15 juillet 1994 modifiant le code
minier a frappé de nullité cette clause exonérant les HBL de leur
responsabilité. Mais la loi n'étant pas rétroactive, elle ne s'applique pas au
cas de Francis Prymerski. « La loi de mars 1999 dit que lorsque
l'exploitant est défaillant, l'Etat se substitue à lui », observe Colette
Goeuriot, présidente du collectif des communes minières de Lorraine. Elle
rappelle aussi que la loi de 2003, votée après la catastrophe AZF crée un Fonds
de garantie pour les catastrophes dites « technologiques ».
Mais
elle n'est toujours pas rétroactive. « Il faut clarifier la loi pour
qu'elle s'applique partout de la même façon », fulmine Colette
Goeuriot.
Risque d'inondation
L'augmentation de l'activité sismique pourrait être liée à l'arrêt du
pompage des eaux. « La remontée des eaux provoque des glissements de
terrain », reconnaît Alfred Olzac, responsable de la communication à
Charbonnage de France Lorraine. « Mais les choses vont se stabiliser d'ici
quelques mois. L'eau va retrouver son niveau d'origine ».
C'est
bien ce qui inquiète les riverains. Car si l'eau remonte à son niveau historique
d'il y a 150 ans, avant le début de l'exploitation, de nombreux villages, comme
Rosbruck seront bientôt noyés sous plusieurs mètres d'eau puisque le sol s'est
affaissé de 14 mètres.
« Nous allons pomper les eaux de la mine, chargées en sel, pour
qu'elles ne soient pas en contact avec l'eau de la nappe phréatique »,
explique Alfred Olzac. « Et nous allons pomper aux endroits où les sols se
sont affaissés ».
Ces
bonnes intentions ne semblent pas convaincre tout le monde. Colette Goeuriot,
elle, « demande une étude complète du sous-sol du Bassin Houiller pour
évaluer les risques à venir. Sinon, dit-elle, nous irons de catastrophe en
catastrophe ».
Marcel
GAY |